Le déclin du soleil était presque achevé sur Eloria. L’astre lumineux luttait encore, résistant à l’appel de la nuit, faisant briller ses rayons comme s’il ne devait jamais plus se lever. Les citoyens s’affairaient, la plupart rentrait directement de leur lieu de travail à leur domicile. Un monorail suspendu déchirait la paisible structure urbaine et freinait dans un crissement sinistre à chaque station. Le soleil, vaincu, avait disparu de l’horizon. Les lampadaires éclairaient maintenant la ville, créant ainsi des ombres nouvelles dans une cité déjà sombre. Chaque promeneur était désormais poursuivi par ses ombres que les éclairages projetaient sur le sol. Des musiciens de rue chantaient et jouaient des chansons d’un autre âge, rappelant aux passants que la mesure du temps en musique file aussi vite que les années. Les mélodies effrénées dataient en effet de plusieurs dizaines d’années.Outre ces quelques notes de musique, les passants pouvaient également entendre les sons qu'on trouve dans chaque cité : Cris des vendeurs vantant leurs produits, discussions entre promeneurs, bruits de la circulation, klaxons des voitures, aboiements de chiens errants et miaulements des chats de gouttière. L’espoir et la gaieté semblaient avoir disparu en même temps que l’étoile solaire.
Emma se fondait parfaitement dans la masse de la population. Elle était dans le monorail, impatiente de rentrer chez elle pour écrire. Son journal était son moyen d’évasion, son « petit paradis de papier » comme elle l’appelait. Elle descendit à la station la plus proche de son studio et constat amèrement qu’une fine pluie avait commencé à tomber.
- « Tant pis, songea-t-elle, ça arrosera les plantes vertes. Et dire que je n’ai même pas pensé à prendre mon parapluie… »
Emma avait fêté ses 27 ans le mois précédent. Seule, bien sûr. Elle avait toujours tout fait tout seule. Emma riait seule, pleurait seule, sortait seule et, naturellement, vivait seule. Si elle avait pu travailler à son compte, elle l’aurait fait sans aucun doute. Seulement, elle n’avait pas eu cette chance, et devait travailler pour une grande société de production d’électricité, au service comptabilité. Elle n’avait aucune affinité avec ses collègues, qu’ils soient masculins ou féminins. « On ne mélange pas travail et vie privée ». La pluie tombait de plus en plus drue et Emma se mit à courir pour éviter d’être totalement trempée. Elle arriva enfin en vue de son immeuble et monta rapidement à son studio en ascenseur. Elle ne se sentit réellement soulagée que lorsqu’elle eu refermé derrière elle la porte de son petit 3 pièces. Enlevant ses chaussures et sa veste, Emma réfléchissait à ce qu’elle pourrait bien faire ce soir, après l’écriture. Sortir ? Lire ? Se coucher tôt ? Aller sur Internet ou regarder la télévision ? Mais pour l’instant, une seule chose comptait : prendre la plume…
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